LA SÉCURITÉ

Abordages, naufrages et chavirages

Le bois de la coque à lui seul, d'après les essais faits en vraie grandeur, constitue une réserve de flottabilité de 210 kgs au moins. La drôme, constituée de l'ensemble des espars : mâts , vergues, avirons, à peu près autant.

Un naufragé seul court de gros risques de couler ; muni de sa brassière il flotte.

Le froid et la peur tuent, un accidenté même bon nageur est vulnérable psychologiquement et moralement.

Il ne faut jamais se séparer du groupe ni partir seul à la nage chercher du secours ou sauver sa peau. A la voile nous marchons à 6-8 n?uds et on est toujours plus loin de la côte qu'on ne le croit.

En pratique, le plus à redouter est l'abordage par un navire qui, supposons-le, coupe votre route et votre yole par la même occasion.

Anticipez et affirmez bien vos changements de direction très à l'avance ; le navire en " route collision " manifeste " aperçu " en modifiant son cap bien nettement. Si ce n'est pas le cas, appuyez votre évolution, ne la remettez pas en cause. La route collision est la configuration dans laquelle le relèvement de l'obstacle à redouter ne change pas. En pratique, sa position apparente par rapport à un repère à peu près fixe à l'horizon ne varie pas ; avec un peu d'entraînement on est fixé a ce sujet en quelques secondes.

Vous voilà abordé et chaviré, chacun s'agrippe à la coque et se garde de s'en éloigner : tendez un espar à un équipier en difficulté, ou assurez vous avec un bout amarré au bateau pour vous en rapprocher sans vous mettre en danger.

On peut être drossé en côte dans un grain violent et imprévu, faute d'avoir su " arrondir les pointes et saluer les grains ", c'est à dire se tenir à bonne distance d'évolution de la côte et (ou) amener et ariser la voilure à temps..

Si la hauteur de l'eau le permet (pas trop de fond), il peut être salutaire de mouiller. Pour cela, l'ancre et sa ligne de mouillage, de bonne longueur doivent toujours être parées à être utilisées.

Si vous y êtes contraints, il faut faire côte, c'est à dire choisir une crique ou une plage même peu abritée quelque part sous le vent. Vous sauverez votre équipage et certainement votre bateau. Mais cette man?uvre peut présenter de grands dangers. Sans une grande attention de l'homme de barre, le bateau risque d'être mis en travers, roulé dans les déferlantes, ce qui peut avoir des conséquences catastrophiques. On peut limiter ce risque en mouillant une ancre par l'arrière et en filant " à mesure " un long filin ; une man?uvre à laquelle on peut s'entraîner par temps calme.

 

Un bateau rempli d'eau jeté à la côte est très fragile,

il n'est pas fait pour supporter longtemps la pression de l'eau de dedans en dehors (à la différence d'une barrique). Il faut le vider au plus vite. Si l'équipage est en état, tous les ustensiles sont utilisables pour vider la yole : seaux, bottes, vestes de cirés dont on à noué les manches, glacière de pique-nique?Maintenez le bateau le plus possible vers le sec jusqu'à ce que la marée descendante vous permette d'amener là des renforts et (ou) la remorque, ou que les conditions de temps s'améliorent suffisamment pour pouvoir, une fois à flot, réappareiller.

 

Un mouillage désespéré au vent d'une côte rocheuse est une situation qui justifie l'envoi immédiat des fusées de détresse.

 

Enfin, en cas de chavirage sous voile ou remplissage du bateau capelé par une ou plusieurs déferlantes :

Si la yole est retournée, les plus agiles s'efforcent de grimper sur ses flancs (presque immergés précisons-le) pour saisir la quille et se remettre à l'endroit. Tout bout, écoute, drisse, frappé sur le bord opposé aide puissamment à cette man?uvre.

Bateau couché sur le flanc : il est nécessaire, le cas échéant, de larguer les clavettes d'emplanture des mâts ; ceux-ce se dégageront tout seuls.

La yole non chavirée mais pleine d'eau sera stable si, de chaque bord, les équipiers gardent une main dessus?et ne cherchent pas à y monter tous ! Votre poids immergé est nul. Debout dans l'épave, trempé, il a vite fait d'atteindre 100 kilos.

Personne ne s'éloigne à la nage : c'est se mettre en danger (froid, peur) et cela disperse l'effort et les secours?

 

Quand la situation est stabilisée, un équipier (léger) monte à bord, jette l'ancre par dessus bord si le fond le permet, et commence à écoper au seau. Le franc-bord étant réduit à rien, cela peut aller très vite : 5 à 10 litres par coups de seau et par seconde, ce qui permet en quelques minutes de récupérer des tonnes de flottabilité?à condition d'avoir des seaux et qu'ils n'aient pas coulé? ce qui est une fâcheuse particularité des seaux en plastiques non amarrés. Très vite d'autres équipiers peuvent à leur tour embarquer et écoper alors. Mais en absence de seaux, on peut utiliser son ciré, etc?

Rappelons qu'en cas de sollicitation intempestive de la stabilité du bateau, chacun doit rester à sa place. Le réflexe de panique du passager " terrien " moyen a en général pour résultat de précipiter le désastre.

 

Nos yoles disposent de stabilisateurs extraordinaires : les avirons à plat sur l'eau, vous embarquerez peut-être quelques paquets mais la stabilité ne sera à aucun moment compromise : on ne retourne pas facilement un plan élargi à 100m2 par les avirons sortis.

 

L'action a vaincu la peur, reste le froid. Il faut rester habillé, garder son ciré ou le revêtir, se recroqueviller pour conserver un maximum de chaleur, ce qui n'empêche pas les contacts humains rapprochés (à visée isothermique bien sûr).

Quoi qu'il en soit, tout " naufragé " est dans un état perturbé physiquement et moralement. C'est le sang froid du responsable qui ramènera l'équipage à bon port tel Bligh ou Shackleton.

 

 

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